Conférence intergouvernementale pour adopter le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières : discours du Premier ministre Charles Michel
Madame la Présidente,
Monsieur le Secrétaire général,
Madame la Représentante Spéciale du Secrétaire général,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Je veux naturellement remercier le Roi du Maroc et les autorités marocaines pour leur hospitalité dans le cadre de l’organisation de cette conférence internationale.
En 2016, la communauté internationale prend la décision d’élaborer un projet de Pacte. Elle a considéré que les migrations doivent être régulières, ordonnées et sûres.
Pendant deux ans, la communauté internationale mène un processus de dialogue, de concertation, de négociation pour prendre en compte les sensibilités, les convictions et surtout l’espoir que ce Pacte, s’il devait être conclu, soit un pas en avant pour une migration ordonnée, régulière et sûre. Pour plus d’efficacité, pour plus de responsabilité.
A la tribune des Nations Unies en septembre, au nom de mon pays, j’ai assuré l’engagement de la Belgique de soutenir ce Pacte pour les migrations. Dans les semaines qui ont suivi, en Europe, dans plusieurs pays, dont le mien également, des débats vifs sont intervenus avec – il faut bien le dire – une démarche qui a consisté à instrumentaliser ce projet de Pacte pour porter mensonges et contre-vérités, pour instrumentaliser, pour susciter les peurs et les angoisses, pour encourager les replis sur soi égoïstes.
Comme chef de gouvernement, j’ai été confronté dans mon pays à une difficulté politique, parce que un de mes partenaires, qui jusque-là soutenait l’action de mon gouvernement, a choisi de faire volte-face et de changer d’avis.
J’ai pris la responsabilité de me tourner vers le cœur de la démocratie en Belgique, le Parlement, la Chambre des représentants. La semaine passée, j’ai sollicité nos représentants parlementaires, élus directs de la population belge, à se prononcer – et ils l’ont fait.
Au travers d’un vote qui est un signal fort, plus des deux tiers des parlementaires de mon pays ont choisi de soutenir ce Pacte pour les migrations et je veux les remercier.
Au travers de ce vote, ils ont dit les valeurs de mon pays : tourné vers le respect, tourné vers cette conviction que c’est ensemble que nous sommes plus forts, que nous sommes plus courageux, que nous sommes plus responsables.
Mesdames et Messieurs,
Ce weekend, constatant cette situation, nous avons en Belgique procédé à un remaniement ministériel.
Je me présente donc devant vous avec une majorité parlementaire qui ne soutient plus mon gouvernement, mais je me présente devant vous debout, droit et fier des convictions qui sont portées par la Belgique, que j’exprime ce matin à cette tribune.
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Le monde dans lequel nous vivons est confronté à quelques défis de nature globale. Je soutiens bien sûr, avec mon pays et son gouvernement, ce Pacte parce qu’il respecte la souveraineté des Etats.
Parce qu’il permet de mieux distinguer migrations régulières et irrégulières, parce qu’il dit qu’on doit prendre en compte les causes profondes de la migration et soutenir les exigences de développement inclusif pour améliorer les conditions de vie, pour faire reculer les conflits, les guerres, les misères, qui sont bien souvent la cause de ce départ avec beaucoup de tristesse et de souffrance.
Parce que ce Pacte offre aussi un levier pour s’attaquer aux trafiquants d’êtres humains, aux passeurs qui exploitent les misères de l’humanité.
Parce que ce Pacte considère que la protection des frontières doit supposer la coopération entre les pays.
Parce qu’effectivement il y a, au travers de ce Pacte, une capacité demain – par des accords plus étroits, plus efficaces, plus optimaux – entre des pays européens par exemple, et des pays africains, de faire en sorte qu’il y ait une police de réadmission et de retour plus efficace qu’elle ne l’est aujourd’hui.
C’est pour ces raisons-là que je soutiens ce Pacte. Mais, mesdames et messieurs, ce n’est pas la seule raison que je veux soutenir ce Pacte. Il y a une autre raison.
Ma conviction c’est que, depuis quelques années à nouveau, le monde est confronté à deux types de démarches. A deux types d’approches.
Il y a quelques jours nous étions nombreux réunis à Paris pour commémorer l’Armistice la Première Guerre Mondiale. Nous sommes cette génération dont les parents et les grands-parents, au siècle passé, ont été confrontés à des tragédies abominables. Ces tragédies abominables qui sont en réalité le fruit du repli sur soir égoïste, d’actes unilatéraux brutaux, et de méfiance. De profonde méfiance des peuples les uns envers les autres. Et puis, après ce siècle tragique, après ces deux guerres mondiales, globales, il y a eu cette lumière d’espoir au travers de la fondation de l’Union européenne. Mon pays est un membre fondateur de l’Union européenne.
Il y a eu, Monsieur le Secrétaire général, une lueur d’espoir au travers de la création des Nations Unies pour faire en sorte qu’il y ait une conviction que des valeurs universelles, qui dépassent les frontières mais qui incarnent pour chaque être humain, cette dignité, ce respect fondamental, c’est finalement cette soif de liberté. Cette idée que chacune et que chacun sommes porteurs bien sûr de devoirs, de responsabilités, mais aussi de droits parce que nous appartenons à la communauté humaine.
Ce modèle de coopération internationale est complexe, bien sûr. Bien sûr, il emporte parfois des pas en avant et parfois même des peaux de banane sur le chemin, mais bien sûr ce processus de coopération est aussi – de mon point de vue – le seul chemin pour ceux qui veulent, sans naïveté, avec courage, un monde plus juste, un monde dans le cadre duquel ces défis globaux de la migration, du changement climatique, la lutte contre le terrorisme, le développement...
Nous sommes plus solides si l’on décide de les appréhender ensemble – et de les relever ensemble.
Oui ! Je fais le choix du multilatéralisme, et oui je ne crois pas une seule seconde que l’addition des déclarations unilatérales, que l’addition des actes souverains, que cette démarche-là aboutirait par magie, spontanément, à produire les solutions dont on a besoin.
On a besoin de coopération européenne.
On a besoin de coopération internationale.
On a besoin de courage.
On a besoin de responsabilité.
Ce moment est un moment important parce que c’est un pas en avant et - effectivement - ,Mesdames et Messieurs, je me présente devant vous en ayant fait le choix de placer mon pays, le Royaume de Belgique, qui, dans son histoire, a chaque fois été du bon côté, de celui de celles et ceux qui ont choisi la coopération et la responsabilité.
Encore une fois, mon pays sera du bon côté de l’Histoire.
Je vous remercie.