Discours

Discours lors de la 74e Assemblée générale des Nations Unies à New-York

Bâtir un monde fondé sur des règles, promouvoir la dignité et les valeurs universelles, relever le défi climatique et engager l’humanité sur le chemin du développement durable. Voilà les engagements qui doivent nous rassembler.

Monsieur le Président de l’Assemblée générale,
Monsieur le Secrétaire Général,
Mesdames et Messieurs les chefs d’Etat et de gouvernement,
Mesdames et Messieurs les chefs de délégation,
Mesdames et Messieurs,

 

Introduction

Bâtir un monde fondé sur des règles, promouvoir la dignité et les valeurs universelles, relever le défi climatique et engager l’humanité sur le chemin du développement durable. Voilà les engagements qui doivent nous rassembler. 

Chaque pays, chaque nation a sa propre histoire et ses propres repères. Mais  chaque être humain porte en lui cette étincelle de liberté, cette soif d’émancipation. Ces valeurs universelles que rien ni personne ne devrait pouvoir contraindre. C’est cela, le sens de la Charte qui nous unit.

« Dans un monde qui change, il n’y a pas de plus grand risque que de rester immobile », disait Jacques Chirac.

Le multilatéralisme, c’est le mouvement et le dialogue permanent. D’abord pour mieux se comprendre, davantage se respecter et bâtir les fondations de la confiance. Bien sûr, les différends sont nombreux, les entêtements sont fréquents… Et les malentendus sont possibles.

Mais l’Histoire, toujours, le montre :

C’est le progrès qui est au cœur de la coopération, européenne ou internationale.

Être patriote, c’est aimer les siens et vouloir pour eux le meilleur. Vouloir le meilleur pour les siens et pour les autres, c’est l’essence même de notre organisation.

Il ne s’agit pas de diviser, d’opposer, de régresser. Il s’agit au contraire de connecter, de rassembler, d’amplifier, de mieux se déployer… Avec un liant plus puissant que tout : les valeurs universelles et l’Etat de droit.  

Trois défis globaux soumettent aujourd’hui notre humanité à l’épreuve : le changement climatique, ensuite le développement durable et, enfin, la paix et la sécurité.

Ces trois défis sont intrinsèquement liés.

Une volonté sans faille, l’innovation et l’intelligence sont plus que jamais nécessaires. Un multilatéralisme audacieux, courageux et entreprenant est indispensable.

  1. Climat

 

« La nature parle et le genre humain n’écoute pas », disait déjà Victor Hugo au XIXe siècle.

Notre Secrétaire général, avec des mots justes et tranchants, a parfaitement exprimé l’urgence de passer à l’acte pour le défi climatique.

Il ne s’agit pas d’être tétanisé par la peur ou la colère, toujours mauvaise conseillère. Il s’agit au contraire de transformer les appels à nos consciences en forces positives et irréversibles. Reconnaître avec lucidité le diagnostic. Et agir avec courage.

Chaque jour, nous le voyons : l’impact du changement climatique devient plus visible et plus destructeur. Les estimations les plus récentes montrent une accélération de ce changement.

Les efforts réalisés ne sont pas suffisants. C’est dans cet esprit qu’une très large majorité d’Etats européens s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Je salue aussi l’initiative du Chili visant à atteindre la neutralité climatique en ligne avec les Accords de Paris.

La préservation de la biodiversité, de nos forêts et de nos océans doit aussi être bien davantage au cœur de nos actions conjointes.

Le changement climatique impacte de façon structurelle la sécurité alimentaire, la migration et même la stabilité dans de nombreux pays.

Mais ne sombrons pas dans le piège angoissant du catastrophisme. La transition vers la neutralité carbone peut offrir et doit offrir des opportunités pour le développement et l’amélioration de notre cadre de vie.

Innovation, technologie, esprit d’initiative, liberté d’entreprendre… sont plus que jamais indispensables pour adapter nos modes de production,  de consommation, de déplacement.

Nous sommes tous responsables et acteurs : autorités, entreprises, start-up, associations, citoyens.

Mon message est optimiste. Nous pouvons réussir et nous allons réussir.

 

  1. Développement durable

 

Mon pays, la Belgique, avec ses partenaires européens, est déterminé à apporter sa contribution à cet effort global.

D’autant plus que le recul de la menace climatique doit se réaliser en favorisant la capacité d’atteindre les objectifs du développement durable parce qu’ils sont la clé de voûte de la dignité personnelle et de notre sécurité collective.

En exerçant avec tout son cœur la fonction de SDG Advocate, la Reine Mathilde montre l’engagement sincère de mon pays au service de ces nobles objectifs.

Et de nombreux progrès sont réalisés, c’est indéniable.

L’extrême pauvreté a atteint son niveau le plus bas depuis que nous l’enregistrons.

La mortalité infantile diminue, les maladies infectieuses reculent.

L’accès à l’eau potable est amélioré.

L’accès à l’école, à l’éducation a progressé.

Les progrès sont réels. Et portant nous le savons, le chemin qui reste à parcourir est gigantesque.

Toutes les 11 secondes, une femme enceinte ou un nouveau-né meurt dans le monde. Des centaines de millions de personnes en ce moment n’ont pas accès régulier à l’eau potable.

Trop d’enfants n’ont pas accès à l’école et sont affectés chaque jour par la malnutrition. 

Nous devons continuer à innover et agir pour progresser.

Le secteur privé peut jouer un rôle majeur pour faire reculer la pauvreté.

Le libre-échange, avec les règles de réciprocité et des standards sociaux et environnementaux ambitieux, doit être encouragé. Les investissements dans des infrastructures de base et dans l’innovation technologique doivent être amplifiés.

Les nouvelles technologies, l’intelligence artificielle ou encore l’économie des données doivent cependant être davantage encadrés pour ancrer les libertés personnelles, le respect de la vie privée et la protection des valeurs démocratiques contre toutes les intrusions arbitraires dans nos libertés de conscience et d’expression.

Mesdames et Messieurs,

Le dernier rapport du Secrétaire général montre à juste titre que l’égalité entre les femmes et les hommes est une clé majeure pour relever le défi du développement. Je suis fier que le Vice-Premier ministre belge Alexander de Croo ait exprimé un vibrant plaidoyer en ce sens dans son livre Le Siècle de la femme.

Et je partage cette conviction : le féminisme, Mesdames, est aussi une affaire d’hommes.

Nous devons changer les mentalités : une société prospère repose sur les talents de l’ensemble de ses membres.

Pour cette raison, toutes les formes de discrimination sans exception doivent être combattues : racisme, antisémitisme, homophobie, rejet de l’autre, islamophobie… les appels à la haine sont toujours des poisons dévastateurs. Ce sont des violences insidieuses, brutales et indignes de notre humanité.

« Être libre, ce n'est pas seulement se débarrasser de ses chaînes ; c'est vivre d'une façon qui respecte et renforce la liberté des autres. » disait Nelson Mandela.

  1. Paix et sécurité

 

Mesdames et messieurs,

 « Sans progrès, il n’y a pas de paix possible. Sans paix, il n’y a pas de progrès possible » .

Pour la 6e fois de son histoire, mon pays est membre non-permanent du Conseil de sécurité. Nous contribuons chaque jour à la prévention et à la résolution des crises. A

Nous voulons donner la priorité absolue à la protection des civils, notamment les femmes et les enfants.

Chaque opération de maintien de la paix, avec ses défis propres, est nécessaire. Les mandats doivent être plus précis et plus ciblés. L’exigence d’efficacité doit être permanente.

Nous voulons aussi être attentifs aux tensions et aux germes des conflits qui ne sont pas sous le feu des projecteurs mais qui peuvent le devenir rapidement parce qu’ils s’embraseraient. 

Nous devons détecter les signes avant-coureurs, traiter les problèmes à la racine. Investir dans le dialogue politique et renforcer les médiations. Promouvoir les valeurs démocratiques. Encourager les liens entre les communautés. Combattre les discours de haine et refuser l’impunité.

Contexte géopolitique 

Mesdames et Messieurs,

Le monde change. Nous le voulons meilleur. Nous le voulons plus prévisible. La multiplication des tensions et de crises, si elles ne sont pas endiguées suffisamment tôt, peut avoir des conséquences exponentielles et menacer gravement la paix et la sécurité.

Dans la région du Golfe, un climat d’escalade se développe, qui menace non seulement la stabilité régionale, mais aussi mondiale. Les installations pétrolières et le détroit d'Ormuz sont en effet, nous le savons, des points stratégiques pour l’économie mondiale. 

Nous appelons tous les acteurs concernés à s’abstenir de toute mesure unilatérale qui soit susceptible d’accroître les tensions. Nous devons absolument éviter tout incident susceptible de déclencher des conséquences plus dramatiques encore.

Nous appelons à la retenue et aux dialogues pour ouvrir la voie pour un avenir plus stable et sûr dans la région du Golfe.

Les divergences de vues sur l’accord nucléaire avec l’Iran sont à l’origine des tensions actuelles. Nous continuons de soutenir le Plan d'action global commun, qui constitue un instrument utile du régime de non-prolifération.

Nous appelons à une reprise des discussions sur tous les sujets de préoccupation : le nucléaire mais aussi le rôle régional de l’Iran et son programme de missiles balistiques. Aussi apportons-nous notre appui total aux efforts de médiation en cours à l’initiative de la France.

Mesdames et Messieurs,

La situation en Syrie reste aussi inquiétante, et nous sommes préoccupés par l’escalade de violence dans et autour d’Idlib.

Au Conseil de sécurité - avec l’Allemagne et le Koweït -, nous avons régulièrement pris position contre cette escalade de violence. Nous avons proposé la semaine dernière un projet de résolution humanitaire, visant à instaurer un cessez-le-feu et à protéger les millions de civils qui vivent dans cette région.

Nous regrettons que, malgré un soutien large, cette résolution ait fait l’objet d’un double véto. Le bombardement des populations civiles, des écoles et des hôpitaux ne sert pas la lutte contre le terrorisme. Au contraire, probablement, il contribue à l’alimenter.

Nous ne voulons pas abandonner le peuple syrien.

Il n’y a pas de solution militaire à ce conflit. Seul le processus politique engagé sous l’égide des Nations Unies permettra d’y mettre fin.

Le Comité constitutionnel, mis en place, est un premier pas dans la bonne direction.

Le conflit israélo-palestinien est à l’agenda de cette Assemblée depuis des décennies. Aujourd’hui, pourtant, la paix nous paraît plus éloignée que jamais. La situation sur le terrain se dégrade, la violence et la méfiance se renforcent mutuellement, la colonisation se poursuit activement.

Nous devons pourtant favoriser l’émergence d’une paix juste et durable, dans l’intérêt des Palestiniens et des Israéliens et dans l’intérêt de l’ensemble de la région. Les paramètres à résoudre pour une paix juste et durable sont pourtant bien connus.

Le Droit international est la clé de voûte de l’ordre multilatéral. Et toute initiative qui s’en affranchit crée de nouvelles injustices et génère de nouveaux conflits.

L’objectif doit rester la création d’un Etat palestinien indépendant, souverain, démocratique et viable, vivant côte à côte, en paix et en sécurité, avec Israël et ses voisins.

Israël doit bénéficier de la paix et de la sécurité dans des frontières sûres et reconnues internationalement.

En République démocratique du Congo, premier pays partenaire de la coopération au développement belge, nous restons mobilisés aux côtés des populations.

Les premiers gestes d’ouverture de l’espace politique, par exemple la libération de  prisonniers politiques, sont encourageants. Et les défis restent immenses afin de mieux rencontrer les attentes et les aspirations légitimes de la population.

Nous soutiendrons toutes les forces positives qui veulent porter un projet pour un avenir meilleur pour ce grand pays au cœur de l’Afrique centrale.

Dans la région du Sahel, la situation sécuritaire se dégrade, et cela malgré l’action des Etats de la région et les efforts de la communauté internationale.

L’insécurité se propage. Les conflits intercommunautaires sont facilités par la prolifération de milices, et sont instrumentalisés par les groupes terroristes.

Ils étendent progressivement leur influence mortifère au-delà des pays du G5 et menacent aussi les pays côtiers.

Les déplacements de populations se multiplient, les cultures sont mises en péril. La situation humanitaire accable les populations.

Nous devons être mobilisés aux côtés des Etats du Sahel. Nous devons honorer nos engagements à leur égard.

 

Lutte contre le terrorisme

Mesdames et Messieurs,

Nous ne sommes pas débarrassés du terrorisme. La chute du soi-disant califat en Irak et Syrie ne signifie pas la fin de cette idéologie mortifère et criminelle.

Daesh poursuit l’endoctrinement et menace des cibles innocentes et vulnérables ainsi que les forces de l’ordre. Avec un cynisme absolu, il cherche les radicalisations réciproques et ne cesse d’amplifier les sentiments de haine et d’angoisse.

Mon pays, comme tant d’autres, a été touché par la lâcheté du terrorisme.

Notre combattivité face à l’extrémisme violent doit être sans faille et sans relâche. La prévention et la répression doivent être plus efficaces.

Et là encore, là aussi, la coopération internationale est vitale pour éradiquer ce mal qui si douloureusement frappe notre monde.

 

Clôture

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Un monde plus stable, plus prévisible et plus juste, c’est le rêve qu’il nous appartient de réaliser. Nous voulons pour nos enfants et pour les enfants de nos enfants une planète plus saine, un cadre de vie de qualité, des droits et des libertés.

Et ce rêve universel, aucune frontière ne peut l’arrêter.

Éradiquer la menace climatique, réaliser les objectifs du développement durable et travailler sans cesse pour la paix et la sécurité requièrent une mobilisation générale et inébranlable.

Prévenir les conflits en germe, les désamorcer, gérer pacifiquement les différends, tisser les fils du dialogue et nourrir les liens de confiance… Voilà ce que nous croyons nécessaire pour être à la hauteur.

À la hauteur de cette charte des Nations unies qui nous oblige, à la hauteur de ces valeurs universelles qui nous engagent.

Et surtout à la hauteur de cette humanité qui vit et qui vibre en chacun de nous dans nos âmes et dans nos cœurs.

Je vous remercie.