Discours prononcé à l’Assemblée générale des Nations Unies
Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire Général,
Mesdames et Messieurs les chefs d’Etat et de gouvernement,
Mesdames et Messieurs les chefs de délégation,
Votre prédécesseur, qui a présidé la première Assemblée générale des Nations Unies en 1946, était un de mes compatriotes: Paul-Henri Spaak. En pleine Deuxième Guerre mondiale, il déclarait : « Nous devons profiter des circonstances exceptionnelles (…) (et) saisir la chance qui s’offrira pour faire faire au monde un progrès substantiel ».
« Préserver les générations futures du fléau de la guerre », voilà – chers collègues - quel était l’objectif des fondateurs il y a 70 ans.
La Déclaration universelle des droits de l’homme consacre les droits fondamentaux et les valeurs universelles. Tous les êtres humains naissent libres et égaux. La liberté de la pensée, la liberté d’opinion et la liberté d’expression sont intangibles. Et ce sont les bases d’un monde démocratique où la dignité de chacun, où qu’il se trouve, quelle que soit son origine ou sa culture, doit être pleinement respectée.
Le monde a beaucoup changé depuis 1945. De nombreux progrès ont été réalisés. J’ai 40 ans. Les défis de notre génération sont multiples, interdépendants et complexes: les conflits, la pauvreté, le climat, les migrations. L’agenda 2030 doit donner un nouvel élan, et plus de force encore, à notre action commune pour le développement.
Je suis né bien après les indépendances des Etats africains. Les destins de l’Afrique et de l’Europe sont intimement liés. Chacun a tout à gagner de la réussite de l’autre. Mais aussi beaucoup à perdre de son échec.
Je n’ai pas connu l’époque de la colonisation. Je ne connais que des Etats africains libres et indépendants. Je n’ai donc ni sentiment de nostalgie, ni sentiment de culpabilité.
Je veux porter un regard lucide et optimiste sur l’avenir de ce continent auquel mon pays est très attaché. Je veux une relation sincère et franche, d’égal à égal. Un partenariat dans lequel chacun est pleinement respecté.
Avec plus d’un milliard d’habitants, l’Afrique est promise à occuper une place de plus en plus importante dans le monde. Nous connaissons le potentiel de ce continent. L’Afrique a du talent et des ressources. Et je pense d’abord à ces jeunes Africains, ingénieux et pleins de vitalité. Ils veulent prendre leur destin en mains. Ils ont en eux cet élan de liberté et cette exigence d’être considérés avec dignité. Rien, ni personne ne pourra arrêter cela.
La première condition pour le développement, c’est le respect de l’Etat de droit et la garantie des libertés personnelles. 2015 et 2016 sont des années électorales en Afrique. Il n’y a pas de démocratie sans légitimité. Il n’y a pas de légitimité sans respect pour le pacte constitutionnel qui unit les peuples et leurs dirigeants.
Certains pays montrent leur sagesse, comme le Nigéria ou le Sénégal, par exemple.
On ne peut que condamner les tentatives de coup d’état, comme par exemple au Burkina Faso.
Et nous appelons tous les chefs d’Etat à respecter pleinement les cycles électoraux organisés par les pactes constitutionnels.
La Charte des Nations-Unies consacre la souveraineté de chaque Etat. Cette souveraineté est d’abord une responsabilité. Celle de conduire le pays dans l’intérêt général. En aucun cas, la souveraineté ne peut être un prétexte pour l’oligarchie.
La souveraineté, c’est un devoir vis-à-vis de son peuple. Ignorer la volonté du peuple, bafouer les libertés, ça ne dure qu’un temps. La soif de liberté et de dignité et donc l’expression démocratique finira toujours par l’emporter.
Au Burundi, nous n’avons pas ménagé nos efforts pour faire respecter la constitution et les accords d’Arusha. L’entêtement à se maintenir au pouvoir et une certaine forme d’aveuglement ont gravement perturbé les équilibres. Le pays est aujourd’hui profondément divisé. Les citoyens burundais, dont de nombreux réfugiés, en sont les premières victimes.
Nous appelons de toutes nos forces au dialogue politique entre gouvernement et opposition sous les auspices des pays de la région, dans le cadre de la Communauté Est-Africaine.
La République Démocratique du Congo est un grand pays au cœur de l’Afrique. Une population jeune et dynamique, des ressources naturelles abondantes mais aussi des conflits tragiques dont la population paye le prix fort depuis tant d’années.
Le respect pour l’Etat de droit et pour les règles constitutionnelles est le seul chemin pour la stabilité. Chacun attend que les responsables politiques de ce pays, à quelques encablures des processus électoraux, démontrent que c’est bien l’intérêt supérieur de leur pays et de leur peuple qu’ils portent dans leur cœur.
Mon pays est aussi engagé au Sahel, tant pour sa sécurité que pour son développement. La déstabilisation en Libye, l’explosion démographique ou encore les changements climatiques entrainent de sérieuses difficultés. Nous continuerons à soutenir les opérations de maintien de la paix au Niger et au Mali. Nous soutiendrons également les efforts de la Minusma.
A côté de l’aide publique au développement, l’initiative privée doit être davantage soutenue. Le développement économique doit créer des emplois et apporter plus de recettes pour les Etats. L’amélioration du climat des affaires et la lutte contre la corruption doivent permettre l’essor des investissements.
Nous devons aussi encourager les financements innovants pour le développement, comme par exemple la contribution internationale sur les transactions financières.
Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire Général,
Mesdames et Messieurs les chefs d’Etat et de gouvernement,
Mesdames et Messieurs les chefs de délégation,
Nous sommes tous confrontés à la montée en puissance du terrorisme. Mon pays n’est pas épargné. Les terroristes veulent détruire les valeurs universelles et ils frappent aveuglement des victimes innocentes. Tous les moyens doivent être mobilisés contre ces nouvelles menaces.
Mais l’honneur des démocraties, c’est de combattre les fanatiques dans le respect de l’Etat de droit. Nous devons en permanence veiller à l’équilibre entre le droit à la sécurité et le respect des libertés individuelles.
Bien sûr nous devons mobiliser nos services de sécurité, polices, autorités judiciaires. Mais nous devons aussi mobiliser les communautés locales, les leaders religieux et spirituels, la société civile.
Depuis 2003, la négociation d’une Convention internationale sur le terrorisme est pratiquement au point mort. Je lance un appel solennel: « Donnons un nouvel élan afin de valider au plus vite cette convention internationale sur le terrorisme ». Donnons ainsi plus de force et plus de moyens pour élever le niveau de sécurité de nos concitoyens.
Nous devons aussi résoudre les conflits, en Libye, en Irak ou en Syrie.
En Syrie, il ne s’agit pas de choisir entre la barbarie fanatique de l’Etat islamique ou la tyrannie et les massacres de Bashar el-Assad. Nous devons agir en parallèle. Nous devons éradiquer Daesh. Nous devons, en même temps, forcer la transition politique vers des élections libres et crédibles.
La Syrie a besoin d’institutions solides, d’un gouvernement légitime. C’est le seul chemin possible pour retrouver la paix et la sécurité. Nous plaidons pour une approche globale: humanitaire et politique. L’option militaire peut aussi être envisagée dans le respect du droit international.
Nous soutenons l’engagement remarquable du Représentant spécial du Secrétaire général, Staffan de Mistura, afin de relancer le dialogue entre toutes les parties.
La situation en Libye, c’est l’échec cuisant de la communauté internationale. Et cela montre que seule une approche globale a du sens. Les groupes extrémistes en tous genres sèment la terreur. Les attentats en Tunisie pour tenter de saper la transition démocratique en attestent.
Là aussi, nous soutenons pleinement les efforts des Nation Unies dans le cadre du dialogue politique en Libye. Nous devons aussi nous mobiliser aux côtés de la Tunisie afin de renforcer sa position politique et économique dans un contexte régional tellement difficile.
Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire Général,
Mesdames et Messieurs les chefs d’Etat et de gouvernement,
Mesdames et Messieurs les chefs de délégation,
La répression, les conflits et la guerre poussent aussi les populations à chercher la sécurité ailleurs, loin de chez eux. 60 millions de personnes sont déplacées dans le monde et doivent parfois mettre leur vie en péril pour échapper aux conflits. La Syrie n’en est malheureusement que l’exemple le plus tragique.
Comme l’a dit récemment le Haut-Commissaire aux droits de l’homme « (…) les personnes les plus responsables de leur migration sont les gouvernants qui ont échoué à préserver les droits de l’homme, et ont privé d’espoir leur population ».
Une partie du peuple syrien fuit la violence et cherche refuge dans la région, mais aussi dans l’Union européenne. Nous faisons face, en Europe, à un afflux de réfugiés sans précédent depuis Deuxième guerre mondiale.
Nous devons soutenir les pays qui font directement face aux conséquence de ces conflits. Je pense en particulier au Liban, à la Jordanie ou à la Turquie qui accueillent un nombre extraordinaire de réfugiés syriens.
L’Union européenne a décidé de débloquer 1 milliard d’euros pour soutenir l’accueil de ces réfugiés dans ces trois pays.
J’appelle solennellement tous les pays de la région, sans exception, à s’engager pour relever ce défi.
Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire Général,
Mesdames et Messieurs les chefs de délégation,
Au Moyen-Orient, le processus de paix est au ralenti. Le statu quo n’est pas une option. Le dialogue politique doit reprendre au plus vite.
Hisser le drapeau palestinien, ici aux Nation Unies, c’est un symbole. Mais ce n’est pas suffisant. Plus que jamais, l’objectif doit être la reconnaissance d’un Etat palestinien souverain et indépendant, dans le plein respect de la sécurité d’Israël.
Ni les tirs de roquettes, ni les colonisations illégales n’ouvriront la voie vers cet objectif. L’Europe doit se mobiliser davantage avec tous les partenaires. Nous soutenons l’initiative de la France visant à créer un groupe de contacts rassemblant les pays de bonne volonté.
Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire Général,
Mesdames et Messieurs les chefs de délégation,
La Charte des Nations Unies établit le principe de l’égalité souveraine. L'intégrité territoriale et la souveraineté de chaque pays doivent être garanties de manière absolue.
Nous sommes aux côtés de l’Ukraine pour faire respecter les principes et les obligations prévus par le droit international. Les accords de Minsk doivent être pleinement mis en œuvre.
Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire Général,
Mesdames et Messieurs les chefs de délégation,
La paix et la sécurité doivent être des objectifs permanents. Bien sûr, il y aura toujours des différends entre les pays. Mais l’honneur de l’humanité, c’est de les résoudre par le dialogue et la compréhension mutuelle plutôt que par les canons ou le fanatisme.
Les accords de paix en Colombie, l’accord sur le nucléaire iranien ou encore la reprise des relations diplomatiques avec Cuba montrent que le dialogue et le respect produisent des résultats tangibles.
L’ordre international suppose que chacun, quelle que soit son origine, sa culture ou sa religion, adhère sans réserve au socle des valeurs universelles.
Comme l’a si bien déclaré le Président Obama à cette même tribune : « un tyran peut mettre un opposant en prison mais pas ses idées ».
Comme chef de gouvernement, je sais la responsabilité, sur les épaules de ceux qui représentent leur peuple.
Le monde est parsemé d’embûches, de contradictions, et parfois de tragédies. Mais le monde, c’est avant tout les femmes et les hommes avec des rêves et des espoirs pour eux-mêmes et pour ceux qu’ils aiment.
La liberté, l’ingéniosité, l’innovation et l’intelligence. Le respect et la tolérance. Ce sont nos meilleures armes pour relever ensemble les défis de ce siècle.
Paul-Henri Spaak, le premier Président de notre Assemblée générale déclarait alors « entre le monde parfait et le monde meilleur, je choisis le monde meilleur ».
Le monde parfait est impossible. Le monde meilleur, lui, ne dépend que de nous. Le monde meilleur exige du courage, de la responsabilité et de la solidarité. C’est totalement imprégné de cette conviction que j’affirme ici l’engagement de mon pays pour un monde meilleur.
Je vous remercie.