Discours

Journées diplomatiques

Monsieur le Président du Comité de Direction,

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

 

Introduction

 

C’est un plaisir de vous retrouver cette année aux journées diplomatiques. J’ai eu l’occasion de rencontrer certains d’entre vous en poste l’année dernière, et j’en rencontrerai d’autres au cours de mes prochaines missions.

 

 

L’année passée que nous avons clôturée a été mouvementée aussi bien en Belgique qu’à l’international.

 

Celle que nous avons entamée laisse déjà entrevoir les principaux défis qui se poseront à nous.

 

Trois thèmes en particulier vont encore beaucoup mobiliser notre énergie dans les semaines et les mois à venir: notre situation économique et sociale, notre sécurité et la crise des réfugiés.

 

Tous ont des conséquences sur nos relations internationales, et sur votre mission.

 

Situation économique en Belgique

 

Je l’avais annoncé lors de la formation de ce gouvernement : la création d’emploi et la croissance sont une priorité. On n’attend pas la croissance, on la crée.

 

Depuis l’année dernière, nous avons pris d’importantes mesures qui doivent, à moyen et à long terme, améliorer sensiblement la situation économique du pays.

Elles vont nous permettre de renouer avec la croissance, et de maintenir notre niveau élevé de protection sociale.

 

Ces mesures sont très concrètes. Elles vous touchent tous dans vos efforts de diplomatie économique. Je vous encourage à en faire la publicité auprès du monde des affaires de votre juridiction.

 

Elles répondent notamment à de nombreuses remarques que j’ai entendu dans la bouche d’investisseurs étrangers en Belgique :

 

·         compétitive

·         fiscalité

·         marché du travail

 

Réduction du handicap salarial

 

L’amélioration de la compétitivité est le meilleur levier pour la création d’emplois. L’un de nos principaux problèmes est le handicap salarial. Par rapport à nos trois voisins (France, Allemagne, Pays-Bas), nous accusons, depuis 1996, un handicap salarial de 2,9%.

 

 

2.9% d’handicap salarial, c’est énorme pour un investisseur potentiel. Ne pas s’y attaquer, c’était s’assurer la perte d’emplois potentiels.

Il fallait agir.  

 

Pour résorber ce handicap, le gouvernement a décidé d’un saut d’index unique et socialement corrigé dès 2015.

 

Tax shift

 

Mais un saut d’index ne sera pas suffisant. Pour encourager ceux qui créent de l’emploi, il a fallu aussi s’attaquer à la fiscalité. C’est le tax shift.

 

Cette réforme doit rendre le travail moins couteux.

 

Elle va nous permettre de diminuer les charges sociales pesant sur les entreprises mais aussi de résorber leur handicap salarial.

 

S’il ne fallait retenir qu’un chiffre, c’est celui des cotisations patronales qui baissent de 33% à 25%.

 

Ce tax shift est aussi avantageux pour les travailleurs. Leur salaire est moins taxé, et cela se voit déjà sur les feuilles de paye de ce mois-ci.

 

Plus de salaire-poche, c’est favorable au pouvoir d’achat et à la consommation.

 

Le tax shift, c’est 8 milliards d’euros de carburant injecté dans le moteur économique et social du pays.

 

 

Le redécollage économique permettra de dynamiser les investissements, de créer de l’emploi et de sécuriser notre modèle social menacé.

 

Monsieur le Président du Comité de Direction,

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

 

Le travail accompli par ce gouvernement depuis un an commence déjà à porter ses fruits.

 

En effet, plusieurs chiffres très encourageants sortis ces dernières semaines de divers organismes officiels (BNB, Bureau du Plan, Centrale des crédits, ONEM, Eurostat, etc.) en témoignent.

 

Concrètement, cela veut dire quoi ?

 

On prévoit la création de 50 à 60.000 nouveaux emplois d’ici 2016.

 

Sur une moyenne annuelle, le chômage a baissé de plus de 6% en 2015 par rapport à 2014.

 

La confiance des consommateurs s’est fortement renforcée depuis fin 2014, atteignant des niveaux inégalés depuis 2011.

 

La confiance des entreprises, elle, n’a cessé d’augmenter depuis janvier 2015.

 

On prévoit que la croissance des exportations de biens et services atteindront 3,4% en 2015 et 4,6% en 2016.

Vendre cela à l’étranger

 

Monsieur le Président du Comité de Direction,

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

 

C’est dans ce nouvel environnement que je vous appelle à redoubler vos efforts de diplomatie économique.

 

Cette nouvelle fiscalité doit vous permettre de relancer les investisseurs actuels et potentiels et leur faire porter un nouveau regard sur leurs projets en Belgique.

 

Je prépare des initiatives afin de valoriser notre image économique et social dans le monde. Une tournée dans l’étranger et déjà prévu.

 

J’ai l’intention de former un groupe de sages/une task force autour du Gouverneur de la Banque nationale. L’objectif est de mettre en place une stratégie pour maximiser ces nouveaux atouts à l’étranger en concertation étroite avec les régions.

 

Des missions suivront rapidement. Je commencerai par aller en visite officielle en Chine à la fin du mois de mars. J’y prendrai part au Boao forum, le Davos asiatique.

 

 

Je me rendrai aussi pour des déplacements plus courts en Europe au premier semestre, d’où provient la majeure partie de nos investissements étrangers. D’autres missions suivront, en Amérique du nord notamment.   

 

La situation économique en Europe

 

Au niveau européen, nous avons restauré notre crédibilité. La Commission européenne, l’OCDE, le FMI, l’Eurogroup, les agences de notations saluent unanimement nos réformes et nous encouragent à poursuivre.

 

L’Union européenne reste bien évidemment la catalyseur de notre croissance. La Belgique n’a de cesse de travailler à l’approfondissement du marché intérieur, et plaide pour l’approfondissement de l’Union économique et monétaire. L’euro doit être défendu. Il a été mis à mal par la crise grecque, et j’espère que nous pourrons en tirer collectivement les leçons pour aller de l’avant.

 

La force de l’Union européenne en tant qu’acteur économique sur la scène internationale doit aussi nous servir de tremplin. Les négociations d’accords de libre-échange avec les Etats-Unis, le Japon ou l’Inde sont autant d’opportunités dont la Belgique saura tirer le meilleur parti.

 

 

La Situation économique mondiale

 

Mais notre croissance est aussi tributaire de l’économie mondiale. Je suis naturellement inquiet des soubresauts de l’économie chinoise et de ses conséquences en Asie et ailleurs.  Elle aura des conséquences directes chez nous.

 

La perte de vitesse générale des économies émergentes menace nos efforts. Le maintien du baril de pétrole à un niveau relativement bas pourrait aussi, à terme, nous jouer de mauvais tours.

 

 

Les migrations

 

Monsieur le Président du Comité de Direction,

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

 

 

Situation en Belgique

 

La crise migratoire que nous connaissons est la plus grave depuis 1945. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, le nombre de réfugiés, de demandeurs d’asile et de personnes déplacées à travers le monde en 2015 devrait dépasser les 60 millions pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale.

 

 

En Europe, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus d’un million de personnes sont entrées sur le territoire en 2015. Quelques 850.000 l’ont fait par la Grèce au départ de Turquie.

Ils viennent principalement de Syrie, d’Afghanistan, d’Irak, du Pakistan et d’Iran.

 

 

La crise migratoire, c’est avant tout un drame humain. En 2015, 3.771 migrants ont perdu la vie en mer Méditerranée. Pour ceux qui ont survécu à la traversée, la route n’est pas terminée.

 

 

En Belgique, 35.476 demandes d’asile ont été introduites en 2015. C’est le double par rapport à 2014. Nous sommes le 8ème pays européen en terme de demandes d’asile déposée par tête d’habitant. Ce qui distingue cette crise migratoire des précédentes est essentiellement le taux de reconnaissance qui atteint des niveaux encore jamais connus. Jusqu’à présent, ce taux était de 20 à 23%. En 2015, il était de 60%.

 

 

La Belgique ne faillit pas à ses obligations d’accueil et de protection. La majorité des Syriens (97,6%), Erythréens (94%), Somaliens (81,8%), Afghans (77,3%) et Irakiens (72,2%) qui ont demandé l’asile chez nous se sont vus délivrer le statut de réfugié ou de protection subsidiaire.

 

 

Pour faire face à ces flux, le gouvernement est passé de 18.345 places d’accueil en juin 2015 à 35.000 places ce mois-ci. Tous les services concernés ont été renforcés et tournent à plein régime. Mais la crise n’est pas terminée. Dès le printemps, les passages en Méditerranée reprendront et la pression migratoire s’alourdira encore.

 

 

Au sein de l’Union

 

La crise frappe les Etats membres de manière asymétrique. L’Italie et la Grèce sont en première ligne. Les pays du Nord et l’Ouest sont la destination. Certains pays d’Europe centrale sont des points de passage. Ailleurs, les chiffres sont plus modestes. Les sensibilités, les besoins et les opinions publiques sont donc très divers.

 

 

La Belgique a plaidé avec force pour une approche commune de la crise migratoire, et a insisté tant sur la responsabilité de chacun que sur la solidarité. Ce dernier point, comme vous le savez, a été particulièrement contentieux. Nous avons connu des discussions houleuses entre chefs d’Etat et de gouvernement. Mais je reste d’avis que la solidarité au sein de l’Union européenne n’est pas à sens unique. Elle est valable pour la cohésion, pour l’agriculture mais aussi pour la migration.

 

 

Des systèmes de relocalisation et de réinstallation ont été mis en place, parfois au forceps. Ils sont difficiles à mettre en œuvre, mais ils restent la meilleure solution à ce jour pour répartir l’effort de manière équitable entre tous.

 

 

La dimension externe

 

L’Union a aussi rapidement travaillé sur la dimension externe de la migration, tant en Afrique qu’au Proche-Orient.

C’est l’approche des 3D, Diplomatie, Développement et Défense, qui est nécessaire pour s’attaquer aux racines de la migration. Les conflits, la violence et le non-respect des droits de l’homme et l’état de droit sont les premiers facteurs qui poussent les réfugiés sur les routes. Mais le manque d’espoir, la misère et la faim ou encore les changements climatiques sont aussi des facteurs déterminants. C’est une approche globale qui est nécessaire, aussi complexe qu’elle soit. 

 

 

Dans l’approche de l’Union, un effort particulier a été réalisé pour la Turquie. Ankara, comme Beyrouth et Amman, accueille un nombre substantiel de réfugiés syriens sur son territoire.

 

La Turquie est aussi le point de départ vers l’Europe. Une feuille de route a été agréée avec la partie turque. Des moyens financiers pour soutenir l’accueil des réfugiés syriens pourraient être débloqués.
 

Mais j’attends pour ma part de la Turquie qu’elle montre des résultats dans ses efforts pour juguler la migration illégale et s’attaquer aux trafiquants.

 

 

Le cœur de la crise, bien sûr, est en Syrie elle-même. Là non plus, il n’y a pas de solution facile.

 

Je veux espérer que nous entrons dans un processus positif. Il faut en tout cas continuer de soutenir l’Envoyé Spécial Staffan de Mistura et les pourparlers.

La résolution 2254 du Conseil de sécurité de décembre dernier représente une avancée dans les efforts de la communauté internationale.

 

J’espère que les tensions entre l’Iran et l’Arabie Saoudite d’une part, et entre la Russie et la Turquie d’autre part ne mettront pas le processus en danger.

 

 

En Syrie, nous parviendrons à la paix en suivant deux chemins parallèles: celui des négociations pour imposer la démocratie dans le pays, et celui de la lutte contre Daesh.

 

 

La Belgique est ici particulièrement engagée aux côtés de l’Irak. Je pense notamment aux formateurs qui travaillent avec les forces armées, mais aussi à nos F16 qui seront de retour dans la région pour un an à partir de juillet prochain.

 

 

La sécurité

 

Monsieur le Président du Comité de Direction,

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

 

 

Daesh et la Syrie nous ramènent chez nous, et à l’horreur du terrorisme qui nous a frappé l’année dernière.

Soyons clair : la menace reste devant nous. Elle est présente, et elle demandera encore des efforts soutenus.

 

Grace à la vigilance de nos services de sécurité, nous sommes parvenus à éviter des attentats sur notre territoire. Je pense ici entre autre à la cellule de Verviers. Mais les attentats de Paris ont montré que la menace du radicalisme est profonde et générale.

 

 

Le gouvernement a pris deux séries de mesures l’année dernière : 12 après les attentats de Charlie Hebdo, et 18 après ceux du Bataclan. Elles sont toutes destinées à optimiser le travail de la police, de la justice et de nos services de renseignement. Des moyens importants ont de plus été débloqués pour la sécurité : quelques 400 millions € viendront renforcer les acteurs de terrain.

 

 

Au niveau européen aussi, les choses ont avancé.

 

Je pense par exemple au fichier PNR qui devra permettre de tracer les mouvements de terroristes potentiels ou de personnes soupçonnées de radicalisation entrant et sortant de l’Union européenne. C’est particulièrement important puisque nous faisons face à un phénomène de foreign fighters qui usent et abusent de l’espace Schengen pour circuler librement.

 

 

 

La coopération européenne entre services se fait plus intense, entre services de police et services de renseignement.

 

 

Avec la France, nous avons travaillé main dans la main après les attentats du Bataclan. La coopération entre nos services est excellente et donne des résultats. Elle montre aussi ce qui est perfectible, et ce qui nécessite d’être renforcé. 

 

Lundi prochain, je ferai encore le point avec mon homologue français Manuel Valls et nos Ministres de l’Intérieur et de la Justice respectifs sur toutes ces questions.

 

 

Belgian Bashing

 

Je suis conscient que la Belgique a fait l’objet d’un fameux bashing dans certains pays à l’étranger suite à ces attentats. Cette image négative, nous devons la redresser au plus vite.

 

 

 

Ici encore, j’en appelle à vous pour déployer toute l’énergie nécessaire pour promouvoir l’image de la Belgique. Non, la Belgique n’est pas une zone de non-droit.

Oui, nous prenons des mesures et oui, nous obtenons des résultats.

 

 

L’Afrique

 

Monsieur le Président du Comité de Direction,

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

 

Je voudrais terminer avec quelques mots pour l’Afrique.

 

 

Vous savez que j’observe avec beaucoup d’attention la situation politique en Afrique. L’Afrique centrale et l’Afrique de l’Ouest sont en particulier des pays que la Belgique connait bien. Elle y est très active, notamment par notre coopération au développement.

 

 

Or, la première condition pour le développement, c’est le respect de l’Etat de droit et des libertés fondamentales.

 

Je l’ai dit en septembre dernier à la tribune des Nations Unies, il n’y a pas de démocratie sans légitimité. Il n’y a pas de légitimité sans respect pour le pacte constitutionnel qui unit les peuples et leurs dirigeants.

 

 

Vu les échéances électorales que connait le continent africain en cette période, ce respect prend tout son sens. Le mépriser ouvre la porte à l’instabilité et au chaos, dont les populations civiles sont les premières à faire les frais.

 

 

Conclusion 

 

Ceci m’amène, en conclusion, au rôle que la Belgique entend jouer dans la monde et à notre candidature pour un siège non-permanent au Conseil de sécurité.

 

 

Notre pays doit être fier de l’énergie qu’il déploie pour défendre ses valeurs. La défense de la démocratie, de la liberté, des droits de l’homme et le rejet de la violence et de l’obscurantisme sont nos combats.

 

Au milieu d’un monde qui change, face aux défis que sont les crises économiques,  les conflits, les réfugiés, la lutte contre le changement climatique ou le terrorisme, nous devons revenir à ces valeurs fondamentales pour guider notre réflexion et notre action.

 

 

C’est cela aussi qui fait notre particularité. Cela forge notre image dans le monde. Cela donne enfin du sens à notre action internationale, qui ne consiste pas seulement à défendre nos intérêts, mais aussi notre idée du bien commun et des valeurs universelles. 

 

 

Une campagne pour le Conseil de sécurité n’est jamais gagnée d’avance. C’est un travail de longue haleine qui doit tous nous mobiliser. C’est un défi, et je vous invite à le relever ensemble.

 

 

Merci pour votre attention.